Elina Dumont, ancienne SDF: une guerrière sortie de la rue

Elle a vécu à la rue pendant quinze ans. Alors qu’une pétition circule aujourd’hui pour réclamer l’ouverture de centres pour les femmes sans abri, cette comédienne, aujourd’hui Grande Gueule sur RMC, parle de son passé.

Par Marine Protais-Demoulière, Le Parisien, 28 août 2018.

Elle a connu l’enfer. Enfant de la Ddass (direction départementale des Affaires sanitaires et sociales), Elina Dumont est victime de viols à répétition dans le village normand de sa famille d’accueil. Elle débarque à Paris à l’âge de 18 ans. Elle qui rêve de faire des études devient SDF. Pendant 15 ans, elle use de stratagèmes pour se faire offrir un café, un repas ou une robe. Aujourd’hui comédienne et membre des Grandes Gueules (RMC), c’est avec un franc-parler singulier que cette habitante du XIXe arrondissement parisien revient sur son histoire.

Dans quelles conditions avez-vous grandi ?

ELINA DUMONT. Je suis née dans la mauvaise famille. Ma mère me frappait. Elle était folle, mais ce n’est pas pour rien ! Violée par son père, ma mère aussi a vécu dans la rue. Quand j’étais dans son ventre, elle était en hôpital psychiatrique. Alors à ma naissance, j’étais considérée comme enfant en danger. J’ai atterri dans une famille d’accueil en Normandie.

Votre mère est décédée quand vous aviez dix ans et demi. Que s’est-il passé ensuite ?

Je suis devenue pupille de l’État. Mais ça n’a rien changé, je ne connaissais pas les lois. Enfant, j’ai été abusée par tout le village. Quand t’es une petite fille et qu’on te chatouille là [NDLR : montrant son sexe du doigt], bah c’est rigolo ! Tu ne te rends pas compte.

Et vous avez commencé à fuguer à Paris…

À partir de mes 15 ans j’ai fugué plusieurs fois. De mes 18 à 19 ans, je vivais dans un foyer au Mans. Un jour, on m’a mise dehors. Alors j’ai pris un train. Moi, quand je pensais à Paris, je voyais la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe… le Paris de TF1 depuis ma campagne quoi ! Mais en vrai, c’était pas du tout ça.

Que s’est-il passé à votre arrivée ?

Pendant trois jours, j’ai vécu l’horreur, violée par plein de fous. Pour m’en sortir, je n’ai pas eu le choix. Pendant quinze ans j’ai été sans-abri, je ne savais pas où j’allais dormir. Je faisais des ménages. Je dormais dans des squats ou chez des mecs que je draguais. J’avais 18 ans, j’étais jolie. Et des fellations, j’en ai fait toute ma jeunesse, je n’étais pas à une près. L’important, c’était que je déjeune ou que j’ai une belle robe.

Vers 27 ans, vous avez trouvé un travail…

Recommandée par un homme que j’avais rencontré, j’ai travaillé au standard d’un grand journal national. Mais j’ai tout perdu : mon boulot, mon appart. Tout ça à cause du crack. J’ai fait des conneries et je me suis fait virer au bout de quelques mois. À l’époque, j’ai trouvé ça injuste. J’ai répandu mon histoire et une journaliste est venue me voir pour me faire une proposition : Marie Desplechin cherchait une baby-sitter pour ses deux jeunes enfants. En échange, elle m’offrait une chambre de bonne. J’y suis restée environ un an. Cette femme m’a sauvée. Grâce à elle, j’ai compris que je n’étais pas un objet sexuel.

Vous vous méfiez des hommes parce qu’ils ont abusé de vous, mais pas que…

Tout le monde a abusé de moi. Des femmes aussi, et des femmes riches. Elles étaient plus gentilles que les hommes, moins dangereuses. Mais j’ai décidé de vivre seule toute ma vie. Je serai peut-être malheureuse mais je m’en fous, j’ai plein d’amis !

Votre histoire, vous l’assumez, vous la racontez… Vous permet-elle de dénoncer ?

Oui ! Aujourd’hui, je suis comédienne. J’ai joué mon spectacle « Des Quais à la Seine » pour la première fois en janvier 2012. Un journaliste était là et il a fait mon portrait. Suite à ça, Flammarion m’a proposé d’écrire mon livre, « Longtemps, j’ai habité dehors ». Durant la promo, j’ai été invitée au Grandes Gueules sur RMC et depuis, j’y travaille comme intervenante sociale. Sans eux, je ne pourrais pas dénoncer la pauvreté.

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