Les oubliés des colonies belges

RTBF La Première, 6 novembre 2018.

Quel fut le sort réservé aux enfants métis dans les colonies belges du Congo et du Ruanda-Urundi ? Éléments de réponses avec Sarah Heynssens, historienne à l’Université d’Anvers qui nous parle de ce chapitre peu abordé de l’histoire.

« Nous sommes le 12 septembre 1959, près de l’actuelle ville de Butare au Rwanda. Un petit garçon de 5 ans, Charles, est emmené à l’institut des enfants mulâtres, à Save. Il y rejoint sa sœur, Martha, 7 ans, déjà placée dans ce pensionnat dirigé par des sœurs blanches d’Afrique, subsidié largement par l’État belge. Leur mère a signé une déclaration d’accord avec l’autorité coloniale, il y est écrit: « Je soussigné Mukarugwiza, Thérèse, originaire de la colline Muyira, déclare par la présente désirer et accepter que mon fils mulâtre, né le 2 juin 1945 à Popolo Aketi, Congo belge, aille en Belgique pour y poursuivre ses études et y résider ». Charles-François Gérardin fait partie des 283 enfants métis qui, entre 1958 et 1961, ont été évacués en métropole pour être placés dans des familles banches et chrétiennes ou des institutions. Il était le fils d’un fonctionnaire blanc en poste au Congo belge et au Ruanda-Urundi ».

Une histoire méconnue

L’histoire coloniale belge et surtout l’histoire des métis issus de cette colonisation ont surtout été une histoire méconnue. Peu de gens connaissent l’histoire des mulâtres ces enfants métisses nées d’un parent noir et d’un autre blanc.

Le Ruanda-Urundi faisait d’abord partie de l’empire colonial allemand auquel il doit renoncer après sa défaite de la guerre 14-18 suite au traité de Versailles. C’est à la Belgique que la Société des Nations va donc confier ces territoires en 1923 un mandat. En 1925, ils sont rattachés au Congo-Belge.

Dès les premières années de la présence belge sur le continent africain, les relations sexuelles interraciales sont tolérées. La vision de ces relations évolue et seront par la suite mal vues. En effet, la Belgique est là dans une optique de civilisation et non de mélange pensent certains.

Pourtant, des enfants sont nés et des mariages, pour la plupart non officiels, ont eu lieu. Mais dans de nombreux cas, les hommes blancs décident de séparer de leurs femmes et de les renvoyer avec leurs enfants dans leurs familles.

Des enfants mal considérés

Une question se pose désormais : que faire de tous ces enfants métis ? Il s’agissait d’une question non pas seulement dans les colonies belges mais bien dans l’ensemble de l’Afrique colonisée. Concernant les enfants de colons belges, si ceux-ci étaient reconnus officiellement par leur père blanc, ils devenaient donc belges à leur tour. S’il n’étaient pas reconnu, ils étaient dès lors considérés comme des indigènes. A cette époque, les blancs se considèrent supérieurs et différents des noirs mais ne conçoivent pas qu’ils puissent exister un entre-deux. Ces enfants métis sont considérés comme un danger pour l’ordre social dans les colonies.

Beaucoup d’enfants qui seront abandonnés vont se retrouver dans des orphelinats. Dans l’imaginaire collectif, ces enfants effrayent. 11% de ces enfants placés en institutions seront rendus à leur mères, 20% à leur père, 38% aux agents coloniaux, 11% à leur famille africaine et autant à des missionnaires. Des enfants seront même confiés à des voyageurs. De 1920 jusqu’en 1962, près de 400 enfants métissés seront placés dans une institution catholique de sœurs blanches à Save au Rwanda. Ces enfants recevront une éducation belge religieuse au cœur de l’Afrique.

Au total, ils seront des milliers concernés dans les colonies belges.

Pour connaitre la suite, (ré)écoutez la séquence.

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