La notion de « foyer » au Mali

La Maison du migrant de la ville de Gao, au Mali, publie le témoignage de jeunes hommes qui ont emprunté le chemin de l’exil. On découvre dans leur revue, intitulée La Voix du Migrant, la misère et la condition matérielle qui ont conduit à cet exil, mais aussi les difficultés rencontrées.

Un des témoignages m’a interpellé car il y est question d’un « foyer », terme employé de façon très négative. Les mots peuvent avoir des définitions différentes selon les pays et les aires culturelles. Si nous voulons comprendre la vie des migrants, il est important de connaître le sens de leurs mots.

La Maison du migrant précise le sens de ce terme : « Dans notre milieu ici au Nord du Mali, à Gao en particulier, et dans notre jargon de migration Saharienne, le terme foyer se rapporte encore à Garage mais aussi à Ghetto, un endroit ou les migrants sont parfois retenus en captivité, où y sont logés en attente de continuité du voyage, cela par les passeurs et autres individus ».

Voici un des témoignages que publie la Maison du Migrant.

Je m’appelle Mohamed Camara, Je viens de la Guinée. Pour partir en Europe via l’Algérie, tout a commencé à Bamako au quartier Sogoniko où j’ai fait trois semaines, puis j’ai poursuivi mon chemin sur Gao. Arrivé à Gao je n’avais plus d’argent pour la suite du voyage. Le coxer (le passeur) a exigé la somme d’un million de francs guinéens pour me faire partir à la frontière algérienne. Mes parents m’ont envoyé l’argent du voyage. Nous avons quitté un samedi à Gao, je me souviens bien de cela, arrivés à Kidal, nous avons été dépouillés de tous nos biens (argent, téléphone) par des hommes en arme. Pour passer à Kidal on nous a retiré plus de six cent mille francs guinéens. A notre arrivée à Talanta, Mohamed Talanta nous a recueillis et nous a torturés avant de nous envoyer à Timyawel. Pour rentrer à Tamanrasset, il nous a fallu débourser chacun deux millions de francs guinéens. A notre grande surprise, nous avons été vendus à un propriétaire de foyer, un guinéen, à cent mille francs guinéens et mes parents n’avaient plus d’argent à m’envoyer, c’est ainsi que j’ai fait trois mois dans ce foyer. Vu que nous n’avions plus d’argent, le propriétaire du foyer nous a fait sortir pour aller travailler dans les chantiers parce nous avions plus d’argent. Dans les chantiers, souvent nous ne sommes même pas payés, donc face à toutes ces difficultés, j’ai demandé de l’aide à mon frère qui était au Maroc, il m’a envoyé cinquante euros. En plus de l’aide de mon frère, j’ai travaillé pour avoir mon transport pour aller en Libye. En Libye, les rebelles m’ont pris et m’ont engagé de force comme soldat, j’ai même les traces de l’arme sur ma main car le premier jour, en tirant je me suis blessé. J’ai fait la formation militaire par force car celui qui refuse reçoit des tirs dans les pieds. Mon rôle chez les rebelles était de gérer les barrages, à mon poste, j’ai vu beaucoup d’hommes noirs souffrir, des morts par balle et dans la mer. C’était vraiment triste car il n’y avait aucune solidarité aussi entre les migrants et ils vivaient dans des conditions très graves, chacun pour soi et Dieu pour tous. Un jour, j’ai négocié un transporteur pour fuir, il a accepté de me prendre parce que j’étais en tenue militaire, car cela facilitait le passage pour lui. Ce transporteur m’a déposé à Eliminas et d’Eliminas je suis rentré à Tamanrasset grâce à l’aide d’un arabe. Vu toutes les difficultés et le manque de boulot sûr et rentable, j’ai renoncé de partir et Europe, c’est ainsi que le chemin de retour m’a conduit au Niger, puis au Mali, précisément à Gao. Arrivé à Gao, j’ai passé un jour sans manger, c’est ainsi que quelqu’un m’a parlé de la Maison du Migrant. Aujourd’hui dans la Maison du Migrant, je suis au Paradis, je mange bien et je dors bien.

Revue La Voix du Migrant, num. 1, 2019, p. 18.

La Maison du Migrant vient notamment en aide aux personnes détenues [souvent sans raison, pour vagabondage nocturne et défaut de papiers d’identité] à Gao : « pour échanger, leur remonter le moral et aussi leur montrer que malgré tout ce qui s’est passé, il y a des gens qui pensent à eux. On leur apporte des denrées alimentaires et on assure aussi la prise en charge sanitaire en leur payant leurs ordonnances. A leur sortie, ils restent quelques jours chez nous, le temps de la constitution de leur dossier pour les acheminer vers leur pays d’origine ».

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