Les Enfants Maudits de la Petite Roquette

Le texte qui suit a paru sur la page Youtube de Telerama le 19 novembre 2019. Sur cette institution, on lira l’article qui a paru sur le blog de Jacky Tronel.

Dans le haut de la rue de la Roquette, dans le 11e arrondissement, à Paris, il a existé une prison pour enfants, un pénitencier pour mômes agités et vagabonds : ce lieu s’appelait « la Petite Roquette ». Lors de son ouverture, en 1836, elle a, par sa forme hexagonale et ses méthodes de « rééducation », le double statut de prison moderne et modèle.

Mais pour les générations d’enfants qui y séjourneront, la vie y est un enfer. Outre le régime d’isolement et d’encellulement individuel, l’administration impose aux mineurs le silence absolu (certains en perdront l’usage de la parole). Avec l’écriture comme seul moyen d’expression et espoir de salut, les enfants adressent régulièrement des lettres à leur famille, suppliant leurs proches de venir les récupérer.

Dans les années 1960, lors de la vente d’une maison en Normandie et le débarras de sa grange, la famille de Yann Bisiou, maître de conférences en sciences criminelles, tombe par hasard sur ces lettres d’enfants, signées ou anonymes, écrites entre 1909 et 1912. Si ces missives se trouvaient dans une grande chemise au fond d’une malle poussiéreuse, c’est qu’elles avaient été censurées par la direction de la prison, et donc jamais envoyées à leurs destinataires…

S’emparant de ces archives inédites exceptionnelles, le réalisateur Cyril Denvers parvient à restituer la mémoire de ces adolescents morts d’oubli, de faim et de cruauté dans « un lieu secret, indigne de la République ».

Mieux, Cyril Denvers a demandé à des comédiens de l’association 1 000 Visages de lire ces textes devant la caméra pour un résultat saisissant.

D’un bout à l’autre, le film, bouleversant, récompensé au festival de Luchon (prix de la réalisation et prix du public), porte la voix de ces jeunes, la colère et le désespoir, comme la beauté de leur plume.

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