J’ai été placée à la naissance. Un mentor aurait fait une grande différence dans ma vie [Kay Ramsey]

J’ai été placée à la naissance. Ma mère était en prison lorsqu’elle a été violée et est tombée enceinte de moi. Comme beaucoup de mères qui doivent confier leur enfant à une famille d’accueil à cause d’une dépendance, d’un handicap, d’une maladie mentale ou d’une incarcération, elle n’était pas en mesure de me garder. Et comme tous les enfants qui intègrent le système de protection de l’enfance, je n’avais aucun choix non plus.

J’ai eu plus de chance que beaucoup d’autres car j’ai été adoptée à l’âge de 3 ans. Ma mère adoptive était une mère célibataire – une femme remarquable, forte et aimante. Grâce à elle, j’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires, ce que réussissent moins du tiers des jeunes placés en famille d’accueil. Je suis allée ensuite à l’université Cal. State de Los Angeles, l’Alma mater. (A peine 2,5% des enfants qui ont grandi en famille d’accueil obtiennent un diplôme universitaire de 4 ans.)

Pourtant, juste avant la fin de mes études universitaires, ma vie a basculé. Ma mère adoptive est décédée et cette même année, ma mère biologique m’a envoyé une lettre de prison. C’était mon premier contact avec elle, c’est par cette lettre que j’ai appris que j’étais le fruit d’un viol. J’espérais pouvoir entrer en relation avec elle, mais elle ne voulait pas me rencontrer. Selon elle, une rencontre en tête-à-tête ne ferait que raviver des souvenirs traumatiques.

Pour la première fois de ma vie, j’étais complètement seule. J’étais une fois de plus une fille sans mère. Je n’avais ni argent, ni soutien. Pendant une courte période, j’ai été sans abri, jusqu’à ce que je trouve un travail et que ma nouvelle patronne fasse quelque chose de remarquable: elle m’a donné la somme d’argent nécessaire pour payer mon premier mois de loyer. Cet acte de gentillesse venant d’une étrangère m’a émue aux larmes, alors que la famille de ma mère adoptive m’avait renvoyée à la rue.

J’ai été en mesure de surmonter l’adversité à laquelle j’étais confrontée, grâce à la combinaison de ma propre détermination et au soutien de ma patronne et d’autres mentors. Mes expériences personnelles m’ont incitée à devenir un mentor auprès d’autres jeunes femmes et à plaider en faveur d’un mentorat pour les enfants placés en famille d’accueil, ainsi que pour les autres jeunes défavorisés.

Ce pays a désespérément besoin de mentors supplémentaires. Un rapport du Partenariat National pour le Mentorat a établi que plus d’un jeune sur trois, dont environ 9 millions de jeunes à risque, «n’a jamais eu de mentor adulte de quelque type que ce soit».

Je sais la différence qu’un mentor peut faire. Le directeur d’une organisation à but non lucratif m’a grandement aidée dans mes années post-universitaires immédiates. Quand un ami proche s’est suicidé, il m’a aidée à trouver ma voie et à réorienter ma carrière, passant de l’architecture au bien-être de l’enfant et à la psychologie clinique. Un doyen de l’éducation à la retraite m’a transmis la confiance dont j’avais besoin tout au long de mon parcours, pour obtenir mon doctorat en politique publique et en leadership à but non lucratif.

Mais je m’interroge souvent. Je me demande si ma jeunesse aurait pu être différente, si j’avais eu un mentor pendant mon enfance, alors que je devais faire le tri dans les émotions de l’adoption, alors que j’étais un produit du système de l’aide à l’enfance. J’aurais peut-être eu quelqu’un vers qui me tourner lorsque ma mère est morte. Je ne me serais peut-être pas sentie aussi seule.

En ce moment, 50.000 enfants sont placés en famille d’accueil dans l’État de Californie, soit près de 20% de la population nationale. Beaucoup ont subi une forme de traumatisme. Il va de soi que les élèves exposés à des traumatismes et à la violence ont des taux de sanction et d’expulsion plus élevés, ainsi qu’une baisse de la fréquentation scolaire et des leurs résultats scolaires. Le mentorat pourrait les aider à surmonter certains des problèmes qui conduisent à de faibles résultats scolaires et à de mauvais comportements. Les recherches suggèrent que le mentorat pour les enfants en famille d’accueil présente un impact positif sur la santé mentale, la scolarité et les relations avec les pairs.

En tant que directrice de l’antenne d’une organisation à but non lucratif située dans le sud de la Californie, antenne qui fournit des services sociaux aux enfants et aux familles, il y a une chose que je tiens pour acquise: Nous avons tous besoin de relations humaines, et ces enfants en ont davantage besoin encore. J’ai constaté par moi-même l’intérêt de mettre davantage de jeunes en familles d’accueil en contact avec des mentors adultes capables de leur donner de l’espoir, d’encourager leurs progression et de fournir un lieu sûr aux enfants de tous les âges pour partager leurs histoires. Un bon mentor incarne un comportement positif, il enseigne les aptitudes à la vie quotidienne et permet aux enfants de relever les défis qui se présentent à eux, avec confiance. Une relation solide avec un mentor peut également donner aux enfants placés en famille d’accueil un sentiment d’appartenance qu’ils n’avaient peut-être jamais expérimenté auparavant.

Les occasions de parrainer des enfants placés et adoptés ne manquent pas – qu’il s’agisse d’un programme bien connu comme le Foster Care to Success ou d’un programme régional tel que les Services de promotion et de soutien de l’adoption de Cal State Northridge. Le Département des services à l’enfance et à la famille peut également renvoyer des mentors potentiels vers des organisations spécifiques aux plus grands besoins. Les enfants en famille d’accueil qui sortent du système ont particulièrement besoin de mentors, car ils peuvent avoir perdu leurs réseaux de soutien antérieurs.

Le mentorat n’est pas une panacée. Mais il peut faire une différence decisive dans la vie d’un enfant qui, soudain, se sentira moins seul.

Kay Ramsey dirige le Bethany Christian Service, en Californie.

Article paru le 9 août 2019 dans le Los Angeles Times. Traduction : enfantsplaces.net.

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